Bushman Engleman Concert

Une salve d’applaudissements pour Ivan Didier, non seulement il a pris pour nous sous toutes les coutures de très belles photographies du ukulélé qu’il vient de recevoir, un Bushman Engleman, mais en plus il a écrit deux pages très complètes pour le décrire ! Il nous offre ici sans s’emballer une critique éclairée sur cet instrument – et un récit exhaustif des mésaventures liées à sa commande outre Atlantique.

Tout est en détails richement illustrés dans la suite…

La parole à Ivan Didier (je me suis permis de souligner, parfois excessivement):

Le Bushman « engleman » concert, a.k.a Honer « Lanikaï ».
Cet instrument est le premier que je possède, je n’ai donc qu’un avis totalement subjectif à vous proposer. Je ne ferais aucune comparaison avec d’autres ukes, les seuls que j’ai essayés étant les casseroles en bois vendues entre 39 et 45 Eur.
Je me suis procuré cet instrument chez jumpingflea.com. J’avais passé commande d’un Honer et me suis retrouvé avec un Bushman. Cherchez pas c’est la même fabrication chinoise sauf que John Hall y fait mettre son étiquette et les importe directement, monte un jeu de cordes Aquila et les vends 12.5$ plus cher…tout bénef pour lui ! Si vous craquez, achetez donc un Honer sur un site réputé.
La première impression est très bonne. Tout ce bois fait très « miel et pain d’épices », avec en prime une bonne odeur de colle à bois quand on met le nez sur la rosace.

Par contre il ne me semble pas léger. Le jeu debout juste coincé sous le bras est plus qu’acrobatique, il bascule tête vers le bas. C’est la main gauche qui tient tout et les changements d’accords surtout vers un barré sont impossibles sans saccades. Une accroche sangle manque cruellement.

Mais examinons la bête en détail.

La table d’harmonie est en épicéa massif, c’est ce qui m’a fait choisir cet instrument. La fileterie noire et blanche est sobre et classique. Le fond est en acajou. Le filet central du fond n’apporte pas grand chose, j’aurai préféré pouvoir profiter pleinement du veinage du dos en une pièce.

En jetant un œil par la rosace, on s’aperçoit que les éclisses sont en contreplaqué dont seule la dernière couche est de l’acajou. Je le précise car en consultant la fiche technique, j’ai cru que c’était aussi du massif. Mais ils se sont bien gardés de mettre « all solid mahogany back and sides » donc autant pour moi.

Tant qu’on y est inspectons le bloc derrière le manche. Il n’est pas du même bois et de petites dimensions, le manche est peut être seulement collé à la caisse__.

Le manche est en acajou, au profil bien arrondi et pas épais. 36 mm de largeur au sillet, y’a assez de place pour les doigts. 14 cases hors caisse, 18 au total. Le talon débute sous la 10ème case. La touche est en palissandre des indes (rosewood). Elle est plate et teintée noire pour imiter l’ébène et reçoit un filet noir sur sa tranche, Hélas sans repère.

Le frettage est correct, mais on facilement déceler des irrégularités…tant que les cordes ne frisent pas, c’est l’essentiel.
La tête à un dessin très sobre mais un gros défaut de ponçage laisse apparaître un raccord entre le placage et le manche derrière le sillet.

« Pour l’accordage, nous utilisons nos propre mécaniques couvertes bushman » et ben dis donc rien que ça ! Calmez vous, c’est les mêmes modèles basiques et a boutons plastoc façon chrome que les autres. Vis de réglage à serrer pour que ça tienne la tension.

Le sillet de tête et l’insert du chevalet sont en plastique.On y reviendra…

Pour finir le vernis est très brillant mais bien trop épais à mon goût, avec en primes quelques coulures et inclusions de poussières.

Le plus important : le son.
Et bien au départ, c’était une magnifique casserole ! Méfiez vous donc des commentaires élogieux que vous auriez pu lire sur la qualité d’intonation de cet instrument.
En cause la hauteur des cordes, surtout au sillet de tête. En plus de rendre le jeu inconfortable, la justesse était à oublier. Ce détail a été réglé par Patrice Blanc, luthier grenoblois qui m’a également monté une accroche sangle.
Il reste encore une différence audible entre cordes à vides ou harmoniques et notes jouées. Là c’est l’absence de compensation du chevalet qui est en cause. Sur mon instrument la longueur de corde est exactement la même de part et d’autre de la 12ème frette. Il faudrait que le chevalet soit au moins 2.5 mm plus loin . Mais en l’état ça reste acceptable.

Cet uke dégage un timbre doux et chaleureux qui charme tout mon entourage. Joué tranquillement, les aigus manquent un peu et sont vite couverts par les cordes a vides. On peu y remédier en adoptant une attaque plus pêchue. Vu que je me bousille les ongles tous les jours au boulot, j’ai essayé avec un médiator très souple. Surprise, l’instrument révèle alors un volume et une présence surprenante ! Le picking avec la pulpe des doigts demande du travail pour faire chanter les aigus, mais la sonorité très agréable compense largement ce petit manque.

Au final cet instrument est très attachant, sa sonorité et son aspect chaleureux font vite oublier tous ses petits défauts. N’oublions pas qu’il est vendu moins de 90$. Si seulement Honer France se décidait à l’importer, beaucoup de débutants y trouveraient leur compte.

De la livraison

Le 16 novembre, je me décide à passer commande chez jumpingflea.com. Un Honer Lanikaï concert table épicéa, un étui, un accordeur et un jeu de cordes aquila. Le kit complet du débutant, pour 151$+31$ de port soit 140 Eur. Le mode d’envoi proposé est « global priority mail »un service d’U.S.Postal, sans numéro de suivi…

Après plus de deux semaines et quelques Emails sans réponses du vendeur, je commence à stresser. D’autant plus que j’ai l’expérience de commandes au japon qui ont toutes mis moins de temps que ça. Je fais donc une recherche google sur les colis bloqués en douane…horreur !
De nombreux internautes ayant fait venir des colis des U.S.A ont eu d’énormes soucis.

Les paquets acheminés par U.S.Postal, à leur arrivée en Europe, ne sont plus pris en charge par les postes française mais par une société privée : GLS anciennement Extand. C’est là que commence le délire : colis qui arrivent après des mois quand ils ne sont pas simplement perdus, ligne de renseignements téléphoniques au tarif surtaxé, arguments bidons du genre bloqué en douane, y manque un papier, adresse introuvable…et si avec tout ça le paquet arrive, frais de dossier mortels…bonjour l’arnaque ! Exemple http://www.leguide.com/consoforum/reponse_989041000000000000_1400.htm
Je vous rappelle que ma commande était sans numéro de suivi, donc aucun moyen d’entamer une recherche…je vous laisse imaginer mon état de stress.

Le 10 décembre au soir, je reçois un coup de fil inespéré. C’est John Hall, patron de Jumpingflea. Il m’annonce qu’il à un souci avec ma commande. Elle se serait « égarée » et il vient juste de tomber dessus. D’autre part il ne vend plus les Ukes Honer concert, mais ceux de sa propre marque, Bushman, qui sont un peu plus cher. Pour s’excuser du retard, il me fait cadeau de la différence, ce qui est la moindre des choses d’autant que mon fric est parti depuis le 17 novembre ! John me dit qu’il est désolé pour le contretemps et que ma commande part le jour même. Il me raconte qu’il est étonné du nombre de clients en France pour ses ukes. J’en profite pour l’informer en détail des problèmes de livraison via U.S.Postals. « Dans ce cas, je t’envoie ton colis par DHL international air express et je prends les frais supplémentaires à ma charge…et encore désolé pour le retard. » Cool !‘

Le 16 décembre, je reçois un mail de DHL avec un numéro de suivi de mon colis qu’ils viennent de prendre en charge…Tien, je croyais qu’il était parti le 10 mais bon, je suis plus à un semaine. Le lendemain de retour du boulot, message sur mon répondeur de DHL Lyon. « on à un souci avec la nature de votre marchandise, rappelez nous pour nous expliquer ce que c’est qu’on puisse le dédouaner. » C’est sur « ukulele/case » y doivent pas voir passer ça souvent ! Vu qu’on est vendredi fin d’après midi, impossible de les joindre. Encore un week-end tendu à se demander quand ça va finir. Je parviens à les avoir le lundi vers 10H30 pour m’entendre répondre que ben non, finalement y’a pas eu de problème et qu’il est sur la route dans le camion.

Lundi 20 décembre, 12h30, ding dong c’est le livreur. « Vous êtes au courrant qu’il y a quelque chose à me régler ? » ben je m’en doutais un peu. « 62 Euro s’il vous plait. » Ah oui, quand même…
Détaillons : droits de douane 25 Eur., mouai…
T.V.A. 37 Eur. Pour une valeur déclarée de 115.85 Eur., ça fait presque 32% !
J’ai comme le sentiment de m’être un peu fait avoir sur ce coup là…

Bilan des opérations.

Faisons les comptes : Un uke table épicéa le reste en acajou, un étui, un accordeur, un jeu de cordes et les frais de port = 140 Eur. Plus les droits de douane et la tva =202Eur. Et cinq semaines d’attente, pour un envoi qui n’aura mis en fait que 4 jours pour venir. Le réglage de la hauteur de jeu et la pose d’un accroche sangle = 55 Eur. Et une semaine d’immobilisation en plus !
Total 257 Eur.

Au moment où j’ai fait cet achat, aucun instrument comparable n’était proposé dans les boutiques grenobloises. Toutefois un vendeur me proposait de faire venir Un uke concert tout acajou avec manche et touche en érable qui m’aurait coûté 150 Eur. avec l’étui…je pense qu’il m’aurait fait gratuitement le réglage de la hauteur de jeu et si je rajoute l’accordeur et les cordes, j’arrive juste à 182 Eur…L’instrument proposé était un Bruko/Gewa, ce qui m’a fait hésiter car j’avais en mémoire les commentaires de Bertrand (oups, il se peut que je sois mal tombé en fait) sur ces instruments…
Mais au final j’en suis quand même pour 75 euros de plus, 500 balles ça fait réfléchir !
Mais c’est mon premier Uke, donc c’est le plus beau du monde, et pis sa table elle est en épicéa massif, et pis s’est sur, il doit sonner mille fois mieux que l’autre…on se console comme on peu !

Les superbes photographies sont aussi le travail d’Ivan, merci beaucoup pour tout ce travail Ivan !