Peintre, illustrateur, caricaturiste, graphiste, scénographe du Musée imaginaire d’André Malraux, metteur en page et en lumière des vingt-cinq premiers volumes nrf – Gallimard de la collection Univers des formes, photographe surréaliste, Roger Parry fut aussi pour Match, Vu ou Miroir du Monde, un grand reporter au regard neuf.
Les photos et dessins qu’il rapporta de Tahiti en 1932 donnent une assez bonne idée des instruments de musique joués en Polynésie française cette année-là, montrant à l’occasion quelques ukulélés kamaka en intéressante situation.
Né le 13 novembre 1905 à Paris dans un milieu modeste, Roger Parry suit les cours des ateliers d’art industriel et d’architecture intérieure à l’école des Arts déco où il se lie d’amitié avec le peintre Fabien Loris. À la fin de ces études, il devient assistant de Maurice Tabard, de retour des USA, qui l’initie à la photographie, aux techniques de solarisation, surimpressions et trucages en tous genres qu’affectionne le courant « Nouvelle Vision ». Dès 1928, les montages photographiques surréalistes de Parry apparaissent dans les revues d’art et lors d’expositions. Le jeune André Malraux, alors directeur artistique chez Raymond Gallimard, commande une série de ces œuvres, destinée à illustrer Banalité, un recueil poétique de Léon-Paul Fargue que publie la nrf en 1929. L’ouvrage fait date.
En 1930, Parry et Loris visitent la côte ouest africaine, mais les mauvaises conditions du retour en bateau endommagent une grande partie de leurs clichés.
L’année suivante, Roger Parry photographie l’Exposition coloniale de Vincennes pour Le Figaro. Il découvre à cette occasion la persistance du mythe tahitien et décide d’un voyage au Grand océan.
(Photo : Roger Parry avec Fabien Loris à la guitare, 1929)
Après plusieurs expositions dans les galeries new-yorkaises au début de l’année, Parry et son ami Loris embarquent en avril 1932 à destination de l’Éden perdu des mers du Sud. Ils visitent Tahiti, Moorea, les îles Sous-le-Vent et rapportent en France à la fin de l’automne des centaines de photographies, un film 16 mm et beaucoup de dessins.
Les images de Parry à Tahiti illustrent les articles de nombreux magazines et revues, dont une couverture de Match, et font l’objet d’une exposition. En juillet 1934, nrf Gallimard publie Tahiti, 106 photos de R. Parry.
Ces photos en noir et blanc sont présentées pleine page, sans texte, sinon un titre minimal, une indication de lieu, l’ensemble simplement précédé d’une courte présentation dans laquelle l’auteur précise qu’il s’agit là d’un « reportage », d’un « tableau aussi fidèle que possible de la vie actuelle à Tahiti et aux îles Sous-le-Vent… qu’on ne connaît que d’après les toiles de Gauguin, quelques films « romancés » et quelques récits d’écrivains ».
Effectivement, Parry se tient loin des Moana de Flaherty, Ombres Blanches de Van Dyke ou Tabu de Murnau, films alors en vogue ; loin surtout de la sempiternelle carte postale « Scènes et types » où l’indigène dénudé pose avec quelque accessoire ethnique devant une toile peinte en trompe-l’œil accrochée au fond du studio. Ce style anecdotique figé que diffusent depuis un demi-siècle les photographes basés à Tahiti : Spitz, Hoare, ou Lucien Gauthier, dont le livre a paru l’année précédente, semble soudain bien désuet en comparaison du regard résolument moderne que Parry pose au plus près d’une réalité crue, parfois dérangeante.
Mais, ami de Man Ray, Soupault et Prévert, il cherche aussi la surréalité en abordant le mythe par le nu intégral, ou en allant se frotter à l’iconographie populaire : on organise des séances photo dans un studio de Papeete où quelques jeunes filles viennent poser en tenue locale.
Toutefois, le cliché de la vahine en pareu joueuse d’ukulélé ne sera pas publié sous cette forme : rapporté à Paris, mis en couleurs, retouché, manipulé, il devient illustration en couverture d’un des premiers titres de la collection « Succès » chez Gallimard. Nuits chaudes réunit des textes de Titaÿna, célèbre aventurière journaliste dont le voyage en Polynésie de 1927 avait paru, récit et photos, dans Lectures pour tous. Elle dirigea aussi la revue Jazz à laquelle Parry collaborait.
Une autocaricature, non publiée à l’époque, rend assez bien l’atmosphère de cette séance photo en studio à Papeete.
Deux autres croquis datant de ce séjour montrent des ukulélés de type kamaka, dont un modèle à huit cordes (on peut faire confiance à Parry, lu-même musicien et d’une grande précision quand il s’agit de dessiner les instruments de musique).
Pas d’autres ukulélés sur les photos, mais les différents instruments habituellement utilisés alors : percussions traditionnelles (toere) et de récupération (bidon métallique, tambour militaire), mandoline, guitares.
Une série de quatre photos, publiée sur deux pages dans l’édition originale nrf-Gallimard, met en scène un « Ori Tahiti » pris à Fetuna (il s’agirait de Poia Teraitane à la guitare, avec les danseurs Tataura Tautu et Rere Taumihau).
Fabien Loris deviendra chanteur, parolier, mais surtout acteur dans les films de Renoir et de Carné.
Roger Parry repartira pour bien d’autres reportages à travers le monde, amoncelant photos et carnets de croquis ; il illustrera la couverture de centaines de romans d’aventures et de polars, et la collaboration Malraux-Parry chez Gallimard se poursuivra jusqu’à la disparition, à peu d’intervalle, des deux complices : Parry meurt le 4 mai 1977, six mois après André Malraux.
C L
(Photos des expos ; dessins : collection Madeleine Parry ; revues, livre de Titaÿna : collec perso)
Plusieurs ouvrages réunissent des œuvres de Roger Parry dans ses différentes manières :
– Tahiti, 106 photos de R. Parry (nrf-Gallimard 1934)
– Roger Parry 1932, Au-delà du mythe tahitien (Au Vent des îles, 2006)
– Roger Parry, photographies, dessins, mises en pages (Gallimard), catalogue de l’expo du Jeu de Paume en 2007
– Notice biographique en ligne à l’occasion de l’expo du Jeu de Paume en 2007
Parry et Loris à Fetuna avec les danseurs de ori, et Poia Teraitane à demi caché derrière eux
Très bel article et bien documenté. Ca fait plaisir de lire et voir l’époque par des regards moins "officiels". Merci
Très bel article et bien documenté. Ca fait plaisir de lire et voir l’époque par des regards moins "officiels". Merci
Bonjour, je cherche à joindre la famille ou l’entourage de Roger Parry car je souhaite utiliser une photo de mise en scène de lui pour une pochette de disque et voudrai l’autorisation. Si vous avez un contact, merci beaucoup.
Message sérieux
Sophie