Nos acteurs politiques de tous partis, de tous bords, de tout poil, partagent au moins une même idée quant au meilleur moyen de surmonter l’actuelle crise financière et morale qui nous plombe l’existence, et à l’unisson, ou presque, ils reprennent en chœur le refrain : « Jouons de l’ukulélé « made in France », profitons du savoir faire de nos luthiers plutôt que de céder à l’envahissement des petits instruments, souvent de piètre qualité, en provenance des usines chinoises et indonésiennes où les marques autrefois prestigieuses sont allées perdre leur réputation ».
Convaincu, Papa Noël fait donc cette année ses emplettes ukuélé en France, de préférence. Mais attention, acheter français nécessite d’ouvrir l’œil : malgré la consonnance de son nom, Martin est américain et sa production actuelle délocalisée en Extrême-Orient, tout comme celle de certains distributeurs et fabricants français qui se contentent d’apposer une étiquette de marque française sur des produits asiatiques – quand, au contraire, Fine Resophonics ou Wild Wood fabriquent près de Paris.
Petit guide des adresses sûres :
MOTU
Un bel exemple d’inventivité, mais aussi de compétivité puisque l’instrument conçu et réalisé sur l’île d’Oléron par Sylvain Enjoubaut est proposé à moins de 100 EUR et rivalise aisément avec les concurrents étrangers dans la même gamme de prix. Sonorité, simplicité, élégance de la French Touch en plus. De nombreux artistes français l’ont adopté : Féfé, Chapelier Fou, Giédré, Izia, Zaza Fournier, Claire Dit Terzi… et étrangers aussi, comme George Hinchliffe de l’UOGB.
Dominique Chevalier
Le luthier gardois a aujourd’hui acquis une renommée internationale par l’excellence de ses ukulélés. Une référence absolue !
Benoît de Bretagne
Là encore, de magnifiques instruments aux dessins originaux et finitions luxueuses.
Wild Wood
Installé à Étampes, Christophe Chabaud s’est spécialisé dans les ukulélés sous l’enseigne Wild Wood : fabrication, réparation, restauration de modèles vintage. Des prix très abordables et même du « origine France » jusqu’à la provenance des bois. Lire le portrait de Christophe dans l’indispensable magazine PLUCK #2
Maurice Dupont
Pour son très beau modèle réalisé à Cognac comme une miniature des guitares jazz cutaway que Maccaferri avait dessinées chez Selmer à Paris en 1932.
Fine Resophonics
Luthier légendaire des instruments à résonateur, Mike Lewis fabrique près de Paris depuis 1995 son ukulélé solid body d’après le Reso-Phonic National des années 1950, mais aussi des petites merveilles à corps bois ou corps métal, et depuis peu un formidable dobro équipé du système spider web au rapport qualité/prix imbattable.
Sylvain Enjoubaut
Le créateur du MOTU propose également toute une gamme d’ukulélés classiques et singuliers de très belle facture dans son atelier d’Oléron et sur son site.
Imago
À Saint-Étienne, Rico Priet dégage du bois, à la gouge, un ukulélé slim aux lignes innovantes.
Aël l’a essayé.
Bruno Torrès
Le fin du fin en matière de banjolélés, se déniche en Charente limousine. Essais des fûts de 6 et fûts de 8 par Aël et Adrien.
Daniel Gouzien
Des ukulélés polynésiens, instruments spécifiques, à part entière, entièrement taillés, décorés, sculptés en Bretagne. Un bel éventail de modèles uniques sur le site de Daniel et dans le forum ukulele.fr sous la rubrique Rurutu
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Outre-mer
Il existe de nombreux luthiers d’ukulélés polynésiens à Tahiti, aux Marquises, en Nouvelle-Calédonie. Le forum ukulele.fr donne des adresses et détails.
Vintage
On a fabriqué quantité d’excellents ukulélés en France depuis le début des années 1920. Beucoup restent encore cachés au fond des greniers. Il faut donc fouiller les brocantes, les marchés aux puces (cela va de soi) , guetter sur les sites de ventes aux enchères les étiquettes indiquant l’origine française : Salabert, Beuscher, Jetel, Patenotte, Gérôme, Gélas … Une quête passionnante pour laquelle 8cordes aka Philippe Gemgembre a initié sur le forum des fils Beuscher et Gélas qui indiquent quelques pistes à suivre.
Aujourd’hui, les grandes manufactures d’instruments de musique vosgiennes et parisiennes ont fermé, mais les luthiers de talent se multiplient, aussi bien dans la haute-couture sur mesures que dans l’innovation des jeunes créateurs, et chacun, selon ses moyens, peut se régaler à jouer de l’ukulélé « made in France ».
Merci pour ce petit voyage à l’intérieur de nos frontières.
Au sujet des ukuleles vintage fabriqués en France, l’idée de fouiller brocanteS et vide-greniers en quête d’un vieux Salabert ou d’un antique Gélas, pour ne citer qu’eux, est pour le moins excitante, pour ceux qui, comme moi, aiment la chine (celle qui s’écrit avec un c minuscule).
Mais a-t-on une idée des quantités de pièces produites à l’époque ? s’agit-il d’instruments rarissimes ou au contraire, manufacturés à grande échelle ? j’imagine qu’on n’atteint pas la production des grandes maisons américaines, mais on doit sans doute être au dessus d’une production confidentielle.
Autrement dit, la probabilité de trouver un de ces instruments sur un bout de trottoir lors d’une brocante relève-t-il d’un hasard providentiel ou au contraire est-ce quelque chose de hautement possible ?